L'occitan (ou Langue d'òc) est la langue parlée sur un territoire
globalement limité par une ligne qui va de Bordeaux à Limoges, passe
par Briançon, englobe 12 vallées alpines italiennes, suit la Méditerranée,
laisse le Roussillon à son cousin catalan, suit la frontière pyrénéenne,
englobe le Val d'Aran espagnol, laisse le Pays Basque et longe l'Océan
Atlantique en couvrant 32 départements de l'Etat français. La population
concernée, la langue a donc forcément évolué et l'on
retrouve des dialectes comme le provençal, le languedocien, le nord-occitan
et pour ce qui nous concerne le gascon.
Ces dialectes se décomposent à leurs tours en parlers : pour le
gascon, on trouve le béarnais, le bigourdan, le médocain, l'armagnacais,
l'astaracais, le lomagnol
mais il va de soi que tous ces parlers, même
s'ils varient lexicalement parfois sur une distance très courte, restent
inter-compréhensibles (tout comme un gersois qui en "français"
demande une poche de chocolatines à quelqu'un de Lille se verra remettre
un sac de pains au chocolat).
L'occitan, langue latine, s'est formé à partir des langues des populations
en place (substrats aquitains pour la Gascogne, ligures pour la Provence
)
au contact du latin (souvent populaire) introduit avec la conquête romaine.
Il reste aujourd'hui une des langues les plus centrales de la famille latine (du
portugais au castillan, en passant par l'italien, le catalan
).
Avant d'aller plus loin, il me faut définir la Gascogne.
Son unité politique des six siècles aux tournants de l'an Mil, qui
posa de nombreux problèmes à Charlemagne et à ses successeurs,
s'appuyait sur un territoire au maximum étendu de Poitiers à Limoges
et aux Pyrénées. Pour cet article, je prendrai la définition
actuelle : la zone linguistique du gascon. La Gascogne occupe globalement un espace
allant de l'Océan Atlantique à la Garonne, limité au sud
par les Pyrénées, en laissant de côté jusqu'à
la vallée de Barétous le Pays Basque et en englobant le Val d'Aran
en territoire espagnol, où le gascon est langue co-officielle au côté
du catalan et du castillan. Ses spécificités au cur de l'occitan
doivent provenir de son ancêtre aquitain (basque), de la rareté des
racines gauloise (il n'y a pas eu d'implantations de gaulois-celtes en Gascogne),
de la romanisation rapide mais relativement tardive et de la rareté des
racines franques.
Le gascon a été la langue parlée exclusivement puis majoritairement
par toute la population, jusqu'à une période très récente,
largement après la 2ème Guerre. Cette langue écrite selon
un code mis au point par les Troubadours (XIIIème siècle environ),
que reprend la graphie dite classique qui respecte la racine et la logique, a
perdu sa place écrite après l'Edit de Villers-Cotterêts (1539)
qui fait obligation d'utiliser le français pour rédiger des actes
officiels. Il faudra malgré tout plus d'un siècle pour voir l'utilisation
du gascon pour des actes officiels et l'orthographe disparaître dans le
Gers actuel. La langue continue d'être parlée par la population tant
rurale qu'urbaine, parfois écrite avec un code emprunté au français
par de très grands auteurs (Dastros, Pèir de Garros
). Par
exemple, en 1864 une enquête de Victor Duruy, Ministre de l'Instruction
Publique établit que dans le Gers (comme dans seulement 3 autres départements
français métropolitains) plus de 90 % de la population ne parle
pas français
On arrive à l'époque de l'école de Ferry qui forcera au sens
littéral du terme des générations d'enfants à vivre
dans la diglossie (situation de bilinguisme dont une des langues est dévalorisée)
que connaissent bon nombre de locuteurs contemporains (demandez à des gersois
de plus de 60 ans les souvenirs cuisants des arguments pédagogiques utilisés
pour les "inviter" à parler français...).
Le dernier coup en date porté au gascon résulte de l'entrée
des médias dans tous les foyers avec une langue et un accent standards.
Et pourtant, en se basant sur les enquêtes sociolinguistiques réalisées
dans les départements voisins, on compte de 25 à 30 % de la population
gersoise qui parle gascon et 25 à 30 % de plus qui ne fait que le comprendre.
A cela s'ajoutent des néo-locuteurs (jeunes ou nouveaux arrivants), une
sensibilisation auprès de 2.500 enfants par an à l'école
primaire, d'autres encore au collège, au lycée
des cours pour
adultes, des médias hebdomadaires, une radio, des journaux pour enfants,
des chroniques régulières dans différents journaux, des plages
horaires à la télévision, une vie sur le Web très
riche et dynamique, le tout - et c'est nouveau - soutenu en théorie par
les institutions.
Beaucoup comprennent aujourd'hui que cette langue est un outil supplémentaire
de connaissance de l'environnement dans lequel on évolue (regardez seulement
les noms de famille, les toponymes, les noms de villages, écoutez les gens
parler naturellement), un catalyseur de l'altérité et du respect
d'autrui, un moyen d'introspection de l'identité dans tout ce qu'elle a
de riche et ce qu'elle peut apporter d'ouverture aux autres.
Il ne semble donc pas raisonnable de se priver de cet atout pour l'avenir : face
à la mondialisation et à l'uniformisation, il n'y a qu'à
opposer l'universalité du local et la richesse de la diversité.
Pour s'en convaincre, il n'est qu'à regarder la notoriété
et le dynamisme créé autour d'artistes comme Bernard Lubat, Nadau,
Bernard Manciet